Article en lien avec la Sexothérapie:
D'où vient le manque d'envie sexuelle ?
Par Pascale Senk - le 07/12/2011 Sur Le Figaro.fr
De plus en plus de personnes, célibataires ou en couple, consultent pour cette raison.
Pas étonnant que l'un des derniers livres best-sellers, le récit de la journaliste Sophie Fontanel, s'appelle L'Envie et soulève
la question de l'abstinence sexuelle (Éd. Robert Laffont). Tous les sexologues et psychothérapeutes spécialisés dans le couple s'accordent
sur ce point : alors que la question du plaisir à atteindre était le grand motif de consultation des années 1970 et 1980,
aujourd'hui c'est celle du désir qui s'impose.
«80 % des couples que je reçois viennent pour un problème de baisse, voire de panne du désir, constate Alain Héril, psychanalyste et
sexothérapeute qui vient de publier Les Ados, l'Amour et le Sexe (Éd. Jouvence). Le plus étonnant, c'est que souvent les
partenaires s'aiment et s'entendent bien. Mais lorsque la diminution, voire la disparition de leurs relations sexuelles sur de longues
périodes - parfois quatre, cinq ans - les font s'interroger, voire souffrir, ils viennent me voir, le plus souvent dans une démarche
commune.»
» INTERVIEW - «Le désir n'est jamais linéaire»
Schéma classique : le couple est constitué depuis plus de quinze ans, les enfants devenus ados sont sur le point de quitter le nid
familial, la question de la sexualité s'impose alors dans l'évocation de cet espace-temps qui va se libérer. «Nous avons été très occupés
pendant des années, confie Jeanne, 48 ans. Il y avait nos carrières à construire, la sécurité financière à assurer, l'éducation des
enfants qui nous chargeait les épaules… Peu à peu, malgré toute notre tendresse l'un pour l'autre, nos relations sexuelles se sont
espacées, puis raréfiées. C'est seulement lorsque j'ai commencé à en être frustrée que c'est devenu un problème. Sinon, vu tous les autres
centres d'intérêt que nous partagions, ça aurait pu continuer ainsi pendant longtemps !»
Alain Héril reconnaît que ce qui fonde réellement le couple n'est pas la sexualité, mais la compréhension chez les deux partenaires du
pourquoi ils sont ensemble. Lorsque cette question du sens est résolue, les fluctuations du rythme sexuel importent peu. «Un couple, c'est
en réalité plusieurs couples, aime à rappeler le sexothérapeute. Il traverse des moments où les relations sont torrides, et d'autres où
tout est très calme.»
«Corpuscules du plaisir»
Mais que peut cacher ce calme ? Chez celui qui consulte seul, parce qu'il s'inquiète de sa libido déclinante, on repère souvent des
troubles mécaniques, anorgasmie chez la femme ou
éjaculation précoce
chez l'homme, qui ont peu à peu, et insidieusement, érodé le désir de rapports.
Maïté Sauvet, chercheuse en neurosciences associée à l'Institut des sciences cognitives de la Méditerranée et auteur d'Être soi dans le
plaisir (Éd. Chiron), voit une autre explication à cette baisse de libido qui se banalise : «Ce que notre société présente comme
source d'excitation - les images pornographiques, par exemple les scènes de coït express dans un ascenseur de certains films contemporains
- n'est pas vecteur de plaisir.»
Pour cette scientifique, c'est parce que d'une certaine manière nous ne savons plus faire l'amour que notre désir se tarit : «La
sexualité n'a pas à être rapide et uniquement nourrie sur un mode voyeur. Seul le toucher, prodigué pendant longtemps, et les caresses sur
tout le corps peuvent réveiller biologiquement les corpuscules du plaisir grâce auxquels il y aura libération d'ocytocine, hormone de
l'orgasme.»
L'ennui tue le désir
Et Maïté Sauvet de rappeler aussi comment la «rapidité de consommation sexuelle» empêche la production d'enképhalines, et de la dopamine si
nécessaire au sentiment de régénération post-orgastique. Résultat : «À l'heure actuelle, l'orgasme est le plus souvent limité aux
zones érogènes. CQFD : si les partenaires ont peu de désir, c'est parce qu'ils ne ressentent pas un plaisir global en résonance sur
tout leur corps, lorsqu'ils font l'amour.»
Oui, mais quid des contraintes, du quotidien qui comme pour Jeanne a souvent raison des passions les plus ardentes ? «Attention, ce
n'est pas le quotidien qui tue le désir, estime Alain Héril, mais plutôt l'ennui. Trop de patients confondent l'un et l'autre. Le quotidien
peut être érotique : dans sa manière d'effleurer l'autre en faisant le ménage, ou de lui envoyer de tendres SMS même si vous êtes au
travail, vous pouvez rester dans un désir vivant. Mais lorsque l'on n'éprouve plus aucune curiosité pour celui qui est devenu un “étranger
familier”, là le couple est en danger.»
Heureusement, les séances de thérapie ont un «effet aphrodisiaque», affirme le sexothérapeute, car elles mobilisent la réflexion de chacun
sur la question sexuelle quand la vie en commun les en éloigne. Résultat : 70 % des couples ayant consulté «repartent dans le
désir».
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